bja

Dépêches

j

Social

Santé au travail et risques psychosociaux

Condamnation d’un employeur pour avoir développé dans l’entreprise un « mode de management par la peur »

La protection de la santé mentale des salariés fait partie de l’obligation générale de sécurité de l’employeur. À cet égard, il doit adopter des actions de prévention des risques professionnels, qui comprennent les risques psychosociaux (c. trav. art. L. 4121-1).

En outre, la loi interdit et sanctionne les agissements de harcèlement moral (c. trav. art. L. 1152-1).

Pour la Cour de cassation, ces deux obligations sont bien distinctes de sorte que l’employeur peut être condamné pour avoir causé des situations de souffrance au travail, même en l’absence de harcèlement moral dûment constaté.

Dans cette affaire, plusieurs salariés d’un supermarché avaient démissionné soutenant avoir subi un harcèlement moral. Outre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur avait été condamné à leur verser des dommages et intérêts au motif qu’il avait manqué à ses obligations en matière de prévention des risques psychosociaux et du harcèlement moral.

Différents éléments produits par les salariés et un rapport de l’inspection du travail ont en effet révélé qu’avait été institué dans l’entreprise un mode de management par la peur pouvant aller jusqu'à des pratiques de « mobbing », marqué par des pressions psychologiques, une hypersurveillance, des réprimandes injustes ou vexatoires en public ou en situation d'isolement dans le bureau du directeur, une désorganisation du travail et une incitation à la délation. Par ailleurs, certains salariés avaient évoqué leur état dépressif ou encore l'idée de suicide et, face à cette situation, le médecin du travail avait été amené à prononcer des inaptitudes totales en urgence.

Pour contester sa condamnation, l’employeur avançait qu’aucun fait de harcèlement moral n’avait été établi. Dès lors, il ne pouvait se voir reprocher d'avoir manqué à son obligation de prévention des risques psychosociaux et du harcèlement moral.

Mais la Cour de cassation ne l’entend pas ainsi. Elle estime que l’obligation de prévention des risques professionnels, incluant les risques psychosociaux, est distincte de la prohibition du harcèlement moral et ne se confond pas avec elle.

Après avoir constaté que de très nombreux salariés avaient été confrontés à des situations de souffrance au travail et à une grave dégradation de leurs conditions de travail induites par le mode de management par la peur, elle indique que l’employeur a manqué à son obligation de prévention des risques professionnels à l'égard de l'ensemble des salariés de l'entreprise.

La condamnation de l’employeur est confirmée.

Pour la petite histoire, on notera que dans les 7 affaires jugées par la Cour le 6 décembre 2017, les dommages et intérêts octroyés par les juges du fond au titre du manquement à l’obligation de prévention étaient de 2 000 €, 3 000 € ou 4 000 € selon les cas.

Cass. soc. 6 décembre 2017, n° 16-10885, 16-10886, 16-10887, 16-10888, 16-10889, 16-10890, 16-10891 D

Retourner à la liste des dépêches Imprimer