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Harcèlement

L'absence de harcèlement n'exclut pas un manquement à l'obligation de prévenir de tels agissements

En matière de harcèlement, l’employeur a une double obligation : celle de prévenir ces agissements mais aussi celle de les prohiber lorsqu’ils surviennent. Ces deux obligations ne se confondent pas. L’employeur peut donc être sanctionné pour manquement à son obligation de prévention sans l’être pour manquement à son obligation d’interdire de tels faits faute de harcèlement caractérisé.

Un salarié qui se prétendait harcelé moralement est licencié

Un salarié avait fait l’objet de plusieurs mises à pied disciplinaires avant d’être licencié pour faute grave.

Avant son licenciement, ce salarié avait dénoncé auprès de son employeur des agissements de harcèlement moral, sans réaction de celui-ci.

Dans le cadre d’un procès aux prud’hommes, il réclamait :

-d’une part l’annulation de son licenciement compte tenu des faits de harcèlement dont il avait fait l’objet ;

-d’autre part des dommages-intérêts pour violation de l'obligation de prévention du harcèlement moral.

Sans harcèlement caractérisé, l’employeur ne manque pas à son obligation d’interdire de tels agissements

L’employeur doit prohiber toute forme de harcèlement moral (c. trav. art. L.1152-1).

À cet égard, si un salarié est victime de harcèlement, l’employeur doit réagir.

Mais dans cette affaire, les différents éléments présentés par le salarié n’étaient pas suffisants pour laisser supposer l'existence d'un harcèlement aux yeux des juges.

La cour d’appel avait donc rejeté la demande en nullité du licenciement pour cause de harcèlement moral.

À noter : c’est au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. S’il y parvient, l’employeur doit alors prouver que ses agissements n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement et s’expliquaient par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement (c. trav. art. L. 1154-1).

Dans ce contexte, était-il tout de même possible de reprocher à l’employeur d’avoir manqué à son obligation de prévention de faits de harcèlement moral ? La réponse est oui.

L’absence de harcèlement n’exclut pas un manquement à l’obligation de prévenir tout harcèlement

L’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (c. trav. art. L. 1152-4).

Dans sa décision du 23 novembre 2022, la Cour de cassation rappelle que cette obligation de prévenir tout harcèlement moral est distincte de l’obligation de prohiber de tels agissements s’ils surviennent dans l’entreprise. Les deux obligations ne se confondent pas.

La Cour de cassation avait déjà, dans le passé, opéré une distinction entre l’obligation de prévention des risques professionnels et l'interdiction du harcèlement moral (cass. soc. 6 décembre 2017, n° 16-10885 D ; cass. soc. 8 juillet 2020, n° 18-24320 FSPB).

Or, la cour d’appel a écarté la demande en dommages et intérêts du salarié pour manquement à l’obligation de prévenir toute forme de harcèlement par l’employeur au seul motif que l’existence d’un harcèlement moral n’était pas démontrée. À son sens, les faits de harcèlement n’étant pas établis, l’autre demande du salarié, fondée sur un manquement à l’obligation de prévention devait elle aussi être rejetée.

La Cour de cassation censure ce raisonnement : le rejet de la première demande fondée sur l’obligation de prohiber tout harcèlement moral n’entraîne pas automatiquement celui de la seconde fondée sur l’obligation de prévenir de tels agissements.

La cour d’appel aurait donc dû examiner si l’employeur avait pris les mesures pour prévenir le harcèlement moral, même en l’absence de harcèlement avéré.

L’affaire est renvoyée à une autre cour d’appel qui devra vérifier ce point avant d’en juger.

Cass. soc. 23 novembre 2022, n° 21-18951 D